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L’implication des institutions arbitrales dans un processus d’innovation en faveur de la promotion de l’arbitrage international


L’implication des institutions arbitrales dans un processus d’innovation en faveur de la promotion de l’arbitrage international

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Il est évident que le développement de l’arbitrage commercial international dépend en grande partie de la possibilité de reconnaitre et d’exécuter les sentences arbitrales à l’échelle internationale. Le mérite revient alors aux diverses conventions internationales et principalement à la Convention de New York de 1958 qui a marqué le début de l’essor de l’arbitrage international et son âge d’or.

Mais permettre l’exécution et la reconnaissance des sentences dans d’autres ordres juridiques, sans toutefois établir un support institutionnel[1] mettant à la disposition des parties au litige un cadre efficace pour le déroulement de la procédure, reste insuffisant.

C’est à ce titre qu’interviennent les règlements institutionnels d’arbitrage. En mettant à la disposition des parties au différend un corpus de règles assurant la régularité et le bon fonctionnement de leur arbitrage et en procédant à la refonte de leurs dispositions en conformité avec les enjeux du commerce international, les règlements d’arbitrage peuvent être qualifiés à cet égard comme moteurs du progrès de l’arbitrage commercial international.

L’innovation est le fait de rechercher constamment l’amélioration de ce qui existe déjà. Il en va ainsi pour les règlements institutionnels d’arbitrage. Ces derniers doivent évoluer constamment. Se faisant, leur rôle ne se limite plus seulement à une simple organisation de l’instance, mais au développement de nouvelles règles et de nouveaux standards, en vue de s’adapter aux différents enjeux et de concurrencer sur un marché en pleine expansion.

Les règlements d’arbitrage comme précepteurs de règles et standards

Il est certain qu’un arbitrage de qualité repose en premier lieu sur la qualité du juge privé, à savoir l’arbitre. En effet, selon Karl-Heinz BOCKSTIEGEL, « arbitration can only be as good as its arbitrators »[2]. Toutefois, la donne est différente en arbitrage institutionnel car plusieurs facteurs peuvent influencer le déroulement de l’arbitrage. A ce titre, évoquons le règlement édicté par l’institution et les règles procédurales qu’il contient et qu’il fait appliquer aux parties et aux arbitres. Une enquête menée en 2010[3] posa la question de savoir quels sont les facteurs qui influencent la décision de choisir une institution d’arbitrage. Un des facteurs les plus importants était celui du règlement diffusé par cette dernière.

On peut donc affirmer que la qualité de l’arbitrage institutionnel est fonction de la qualité du règlement diffusé. C’est ainsi que les règlements d’arbitrage s’analysent comme une source privée de droit international. Les parties acceptent de recourir à un règlement spécifique, s’y soumettre, donc elles acceptent de se voir appliquer des règles qu’elles n’ont pas pris soin d’édicter. En contrepartie, les institutions doivent veiller à ce que les règlements qu’elles mettent à disposition de personnes indéterminées soient conformes à leurs attentes, mais également aux standards de l’arbitrage international. Donc veiller au bon déroulement de la procédure arbitrale nécessite en premier lieu la stipulation de règles capables d’encadrer de manière efficace toute procédure arbitrage.

  1. Vers un détachement des règles procédurales territoriales

L’innovation la plus importante consiste en l’éloignement qu’opèrent les dispositions des règlements d’arbitrage des règles de procédure nationales, pour s’orienter plutôt vers la pratique internationale. Cela est dû en premier lieu au fait que le contentieux concerne majoritairement des contrats internationaux, mais en second lieu, au besoin de stabilité des procédures dans lesquelles les parties viennent souvent d’états et d'environnements juridiques différents[4]. Nous assistons donc à une modélisation d’une multitude d’espaces processuels[5], propres à chaque institution, grâce auxquels les arbitres peuvent accomplir leur mission afin de prononcer une sentence définitive.

C’est ainsi que des règles à portée internationale sont mises en place en conformité avec la raison qui mène les parties à choisir l’arbitrage, à savoir rapidité – coûts – opposabilité. Militer en faveur de la réduction des coûts et délais de l’arbitrage consiste à encourager une plus grande efficacité dans le déroulement de la procédure arbitrale. C’est à ce stade que le rôle des règlements d’arbitrage s’accentue, notamment dans la quête d’un équilibre entre célérité et qualité. En effet, les institutions d’arbitrage sont les organismes les mieux placés pour améliorer les dispositions de leurs règlements et les adapter en fonction des besoins de leurs usagers. Grâce à la mise en place de dispositions innovantes, les règlements institutionnels furent qualifiés de « moteurs d’amélioration des procédures »[6].

En l’absence de tout code international de procédure relatif à l’arbitrage[7], nous pouvons donc qualifier les règlements d’arbitrage de « véritables petits codes de procédure arbitrale »[8], traitant toutes les étapes de l’instance arbitrale depuis la constitution du tribunal jusqu’à l’élaboration de la sentence, tout en régissant également d’autres questions importantes à l’instar de l’impartialité de l’arbitre, les potentielles irrégularités de procédure etc. Cette capacité des règlements à édicter des normes procédurales est d’autant plus affirmée à l’échelle internationale puisque les législations étatiques « renoncent à imposer un cadre normatif précis à l’arbitrage international »[9]. Force est donc de constater l’importance des règles édictées par les règlements institutionnels.

  1. Vers un aménagement des conditions de mise en œuvre de la procédure arbitrale

Une deuxième forme d’innovation consiste en l’éloignement que doivent opérer les dispositions des règlements d’arbitrage de la simple administration de la procédure arbitrale. En effet, ils ne doivent pas avoir pour unique mission de nommer, récuser des arbitres et assister au suivi de l’instance arbitrale[10]. Leurs dispositions ne doivent pas traiter uniquement des questions fondamentales propres à tout arbitrage comme les demandes et requêtes qui seront présentées, la langue de la procédure, la représentation des parties, la production de documents etc. L’innovation doit être au centre d’intérêt de toute institution afin d’attirer les parties qui cherchent à rendre leur arbitrage rapide et efficace par le biais d’une procédure simple, les abstenant de recourir à la justice étatique lors de la survenance de tout problème. C’est ainsi que les règlements institutionnels d’arbitrage n’ont plus qu’un simple rôle d’administration, mais ont vocation à jouer un « rôle vital à chaque étape du cycle de vie d'un arbitrage » et un « rôle de premier plan dans le leadership éclairé »[11].

La quête de performance dans le déroulement du processus arbitral nécessite une meilleure assistance du tribunal et des parties de la part de l’organe administratif de façon à surmonter tout éventuel blocage. Une disposition qui marque cette quête de performance est propre au règlement de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), à savoir l’acte de mission, dont le but est de définir les missions de l’arbitre. Ceci nécessite donc l’établissement par les parties d’un exposé de leurs prétentions, une liste des points litigieux à résoudre, le lieu de l’arbitrage ainsi que les principales règles applicables à la procédure.

En déterminant à cette étape de l’instance l’objet de leur litige, les parties définissent clairement ce qu’elles attendent du tribunal arbitral qui est constitué. Toutefois, certains auraient vocation à affirmer qu’une telle disposition procédurale vient retarder davantage le processus arbitral car elle nécessite l’accord des parties sur les points cités précédemment, alors qu’en même temps, elles ont recours à l’arbitrage car elles sont en conflit. Ainsi, il se peut que l’une des parties refuse clairement de participer à la rédaction de l’acte de mission ou à sa signature. Pour résoudre ce problème, l’article 23.3 du règlement de la CCI prévoit que « si l’une des parties refuse de participer à l’établissement de l’acte de mission ou de le signer, il est soumis à la Cour pour approbation ».

L’intervention de l’organe chargé de l’administration de l’arbitrage constitue une garantie au bon déroulement de l’instance, écartant ainsi tout danger qui peut mettre « les bâtons dans les roues ». Enfin, en imposant aux parties de définir clairement leur litige au début de l’instance, le règlement CCI vient interdire toute présentation de nouvelle demande ultérieurement (sauf approbation du tribunal arbitral), favorisant ainsi la célérité de tout le processus.

La quête de souplesse dans le déroulement du processus arbitral induit d’une part l’édiction de recommandations, directives et notes de pratique par les règlements institutionnels afin de répondre aux interrogations des parties et des arbitres qui peuvent survenir avant le début de la procédure ou au cours de cette dernière. A cet égard, la Cour d'arbitrage international de Londres (LCIA) a introduit des « Directives générales pour les représentants légaux des parties » en tant qu'annexe à son nouveau règlement[12]. C'était la première fois que des lignes directrices édictées par un règlement institutionnel étaient de nature obligatoire[13]. De son côté, la CCI a publié en 2017[14] une note d'orientation visant à fournir des indications pratiques concernant la conduite de l'arbitrage conformément à son règlement, une note qui est modifiée régulièrement. Bien qu'elle ne puisse être qualifiée de règle concrète, cette dernière fournit des conseils d'interprétation sur des interrogations importantes au regard des parties et des arbitres, pouvant faciliter la gestion de la procédure.

La quête de la souplesse implique d’autre part de favoriser la volonté des parties – surtout durant la phase pré-arbitrale – qui constitue le facteur déclencheur de ce processus de règlement des litiges par voie institutionnelle. A cet égard la CCI, dans son rapport numéro 843, évoque la possibilité de prévoir dans les clauses-types lui faisant référence, la possibilité pour les parties d’indiquer que la sentence devra impérativement être rendue à une date précise. Tout prolongement du délai par l’organe chargé de l’administration de l’arbitrage nécessite ainsi l’accord des parties[15].

La quête de célérité dans le déroulement du processus arbitral constitue la « raison d’être » de l’arbitrage et son enjeu majeur. Militer en faveur de la réduction des coûts et de délais de l’arbitrage consiste à encourager une plus grande efficacité dans le déroulement de la procédure arbitrale. C’est à ce stade que le rôle des règlements d’arbitrage s’accentue. En effet, les institutions d’arbitrage sont les organismes les mieux placés pour améliorer les dispositions de leurs règlements et les adapter en fonction des besoins de leurs usagers.

La conférence sur « la gestion de la procédure » est à cet égard une disposition qui marque cette quête de célérité. C’est une initiative procédurale propre à quelques règlements institutionnels comme la Stockholm Chamber of Commerce (SCC)[16], la CCI[17] et la American Arbitration Association (AAA). Elle incite les arbitres à être davantage actifs dans la gestion de la procédure, ne limitant pas ainsi leur rôle au prononcé d’une sentence sur le fond de l’affaire. Les réclamations des parties étant entre les mains des arbitres, la conférence permet de discerner les problèmes et la raison du désaccord entre les parties. L'article 16.2 du règlement de l'AAA stipule que ces conférences sont tenues « dans le but d'organiser, de programmer et de convenir de procédures pour accélérer la procédure ultérieure ».

Ainsi, organiser la procédure en amont à travers la mise en place de calendriers permet d’assurer une gestion efficace de tout le processus arbitral. Les parties gagnent donc en temps et en argent.

La quête d’adaptabilité dans le déroulement du processus arbitral nécessite une refonte des règlements d’arbitrage en vue d’une adaptation à différents enjeux. S’adapter aux nouvelles circonstances et aux nouveaux défis est un atout des règlements d’arbitrage qui visent à prospérer.

Un premier enjeu concerne l’amélioration de la qualité des services proposés : en effet, les règlements institutionnels sont régulièrement modifiés afin d’apporter des clarifications et de régler d’anciennes dispositions posant certaines interrogations. A titre d’exemple, la CCI qui est l’institution d’arbitrage avec la plus grande notoriété au niveau mondial[18], a modifié son règlement d’arbitrage un grand nombre de fois (1955, 1975, 1988, 1998, 2008, 2012, 2017, 2021). Les modifications qui règlent les anciennes dispositions concernent principalement l’augmentation du seuil pour la procédure d'arbitrage accélérée[19], la spécificité de l'arbitrage d’investissement[20] et la technique de gestion des affaires[21].

S’adapter donc aux nouvelles circonstances nécessite des actes concrets[22]. Une certaine souplesse vient remplacer la rigidité qui était considérée comme une qualité essentielle des règlements d’arbitrage. Ces derniers, qui restaient en vigueur pour de longues périodes, se voient modifiés plus régulièrement.

Certes, les grandes institutions d’arbitrage modifient régulièrement ces dernières années leurs règlements, mais cela est aussi le cas de nombreuses institutions régionales qui cherchent également à se développer. C’est le cas notamment de l’Association Japonaise d'Arbitrage commercial (JCAA) en 2019, du Centre d'Arbitrage International de Hong Kong (HKIAC) en 2018, du Centre Asiatique d'Arbitrage International (AIAC) en 2018, du Centre International d'Arbitrage de Vienne (VIAC) en 2018 et de l'Institut Allemand d'Arbitrage (DIS) en 2018.

Un second enjeu concerne l’influence exercée par des facteurs externes sur la pratique de l’arbitrage en général. A cet égard, des dispositions relatives à l’utilisation de la technologie viennent contrer les conséquences de la pandémie du COVID-19 qui imposa un confinement de la planète, empêchant le déroulement des arbitrages en présentiel. Ainsi l’utilisation du format électronique est consacrée[23], supprimant l’obligation de remettre par défaut des copies papiers. Enfin, l’absence de présomption d'audiences en présentiel favorise la technique de vidéoconférence[24].

Ces exemples d’innovations du règlement d’arbitrage entrepris par la CCI assurent une certaine sécurité juridique car ils permettent d’anticiper et d’éviter la survenance d’imprévisibilités.

L’utilité d’une mise en concurrence des règlements institutionnels d’arbitrage

L’innovation à elle seule n’est pas suffisante si l’on veut parvenir au développement de l’arbitrage international, même si elle permet de créer des standards internationaux relatifs à la gestion de la procédure arbitrale. Toutefois, cela constitue le premier pilier de la promotion de l’arbitrage. Le deuxième pilier concerne la concurrence. En effet, comme tout service ou produit, le règlement d’arbitrage est au cœur d’un affrontement acharné entre ses précurseurs. Ces derniers, étant les institutions d’arbitrage, se livrent à une concurrence afin de prendre l’initiative d’améliorer leurs dispositions et par conséquent, élargir leur part de marché. Il est donc difficile de distinguer l'arbitrage, en termes économiques, des autres secteurs de services dans lesquels les prestataires sont en compétition continue sur le marché.

Un simple état de lieux nous permet de constater l’évolution à travers le temps du nombre d’institutions d’arbitrage. Une étude réalisée en 2016 montre que 70% des centres d’arbitrage ont été créés au cours des trente dernières années seulement; avec 50% au cours des vingt dernières années et 20% au cours des dix dernières[25]. La première question qui se pose est celle de savoir à quoi est due la concurrence entre les différents règlements institutionnels. La réponse naturelle à cette interrogation réside dans le fait qu’on assiste de nos jours à une multiplication mais également à une spécialisation de ces règlements.

La multiplication des règlements d’arbitrage est tout d’abord le fruit de la demande croissante de l’arbitrage institutionnel, d’une part du fait de la stipulation dans quasiment tous les contrats internationaux de clauses d’arbitrage renvoyant à un règlement institutionnel et d’autre part, du fait de l’internationalisation des échanges et la nécessité d’instruments capables de résoudre les litiges qui en résultent. La spécialisation quant à elle résulte du fait que certains litiges nécessitent un degré de professionnalisme plus élevé, c’est donc un moyen pour les règlements institutionnels de s’adapter aux besoins spécifiques des parties aux litiges qui auront devant eux une variété d’options.

L’augmentation du nombre d’institutions, donc du nombre de règlements, va en premier lieu accroitre l’innovation et la prolifération de nouvelles règles et dispositions, mais va surtout permettre une plus grande concurrence. Cependant, cette même concurrence peut avoir des effets à double tranchant. En effet, elle peut être soit une « course vers le haut », soit une « course vers le bas »[26].

La concurrence peut créer une course vers le bas notamment lorsqu’on est devant des règlements « fictifs », mis en place par des organismes ne se dotant pas des moyens techniques et financiers. Cela peut donc nuire aux autres règlements institutionnels. Nous pouvons également nous demander si la compétition entre les différentes institutions sur les prix et les frais d’arbitrage ne peut constituer une course vers le bas. En effet, certains organismes récents sur le marché s’efforcent de diminuer les coûts d’organisation de l’arbitrage afin d’attirer des usagers de leurs règlements ; ces derniers n’étant pas le fruit d’une expertise de qualité. Cette course vers le bas peut se caractériser notamment à la suite de modifications entreprises par un règlement spécifique. En effet, une vague de « plagia » survient faisant en sorte que toutes les autres institutions s’acharnent à transposer ces nouvelles dispositions dans leurs corpus de règles, sans se demander de leur efficacité et de leur compatibilité avec leurs propres règlements.

La concurrence établit une course vers le sommet quand les institutions s’incitent à créer des règles conformes aux besoins des usagers[27] et s'efforcent d’édicter le meilleur corpus de règles pour organiser la conduite de l’instance, le tout dans un souci constant de quête d’efficacité. Ainsi, avec l’absence de tout code international relatif à la procédure arbitrale, un phénomène de convergence des règles procédurales d’arbitrage est le fruit de l’évolution des règlements institutionnels et de la concurrence qui se crée entre ces derniers. A cet égard, dans souci de détachement du cadre procédural territorial et national, les différentes institutions arbitrales s'influencent mutuellement, surtout à travers un mécanisme de pollinisation croisée des idées par le biais de conférences, de publications de codes de conduite et de lignes directrices[28].

Cette convergence citée ci-dessus doit avoir pour conséquence naturelle une interaction entre les différents règlements à l’échelle internationale qui va au-delà de la simple idée de concurrence évoquée précédemment, pour constituer une interaction coopérative[29] entre ces règlements. Il s’agit donc de développer « ensemble » de nouvelles initiatives et meilleures solutions pour promouvoir l’arbitrage international. Ainsi, comme le souligne G. TRAVAINI, « la coopération serait plus fructueuse que la concurrence sèche »[30]. A titre d’exemple, la coopération internationale entre différents centres d’arbitrage marqua l’introduction dans leurs règlements respectifs des Soft Laws comme les règles de l’IBA sur l'obtention de preuves dans l'arbitrage international, les directives de l'IBA sur la représentation des parties dans l'arbitrage international et les directives de l'IBA sur les conflits d'intérêts dans l'arbitrage international. Cela permet de donner une force obligatoire à ces Soft Laws. Dans certains cas, le besoin de coopération n’est plus qu’un simple enjeu, mais une nécessité afin d’apporter des solutions à un problème externe, s’analysant comme une force majeure, et permettre la continuité des services d’arbitrage que proposent les différentes institutions. Ainsi, l’installation de la technique de vidéoconférence pour permettre le déroulement des auditions virtuellement, suite à la crise de la COVID-19, est la conséquence d’une coopération interinstitutionnelle. La matérialisation de cette innovation résultant de ce partage d’expertise se traduit par l’adaptation et la modification de plusieurs règlements.

Les effets positifs de la concurrence entre les règlements, étant beaucoup plus importants que les effets négatifs, permettent à l’arbitrage international de fonctionner avec une efficacité plus accrue. La concurrence est donc un moyen sain de s'assurer que le niveau de services proposés reste en conformité avec l'évolution des besoins de la communauté internationale en matière de règlement de litiges. En effet, cette compétition incite l’émergence de groupes de réflexion visant à trouver de plus en plus de solutions innovantes[31]. Ces dernières visent tout d’abord à accélérer la procédure arbitrale, mais également à réduire les coûts, afin que la sentence qui en résulte soit de haute qualité.

L’intégrité de la procédure arbitrale à l’aune des règlements d’arbitrage

Les règlements institutionnels sont en bonne position lorsqu’il s’agit d’introduire plus d’éthique aux règles d’arbitrage. En effet, les utilisateurs de l’arbitrage veulent voir des normes telles que l’impartialité, l’indépendance et la transparence s’appliquer tout au long du processus.

  1. La quête de l’éthique à travers des codes de conduite

La quête de l’éthique dans l’arbitrage concerne tous les participants à la procédure arbitrale. D’une part les parties recherchent de plus en plus l’impartialité et l’indépendance des arbitres, mais d’autre part, la bonne conduite de la procédure arbitrale nécessite la bonne foi des parties et de leurs représentants, donc que leur implication dans la procédure soit conforme aux bonnes mœurs.

Là aussi, le rôle des règlements institutionnels fut innovateur. En effet, l’élaboration de nombreuses règles de bonne conduite liant tous les participants à l’arbitrage s’effectua sous l’égide des règlements institutionnels.

Concernant les arbitres, de tels codes de conduite existent déjà. En effet, de nombreux règlements ont annexé à leurs dispositions[32] des codes de conduite qui concernent le tribunal arbitral. A titre d’exemple nous pouvons citer le Code of Ethics for Arbitrators in Commercial Disputes mis en place par le règlement AAA[33], le Code of Professional and Ethical Conduct for Members du Chartered Institute of Arbitrators (CIArb). Mais également nous trouvons des règles de conduite non contraignantes à l’instar des Rules of Ethics for International Arbitrators élaborées par l’International Bar Association (IBA). Ces dernières ne seront contraignantes que si elles sont adoptées par les parties, les arbitres ou les règlements institutionnels.

Alors que de nombreux règlements institutionnels n’ont pas incorporé les règles de l’IBA à leurs corps de règles, ni en ont élaboré d’autres propres à eux-mêmes, il reste toutefois que tous sont dans la nécessité de développer des règles et dispositions qui imposent aux arbitres certaines obligations comme l’impartialité et l’indépendance, mais également la révélation de toute information en rapport avec ces obligations[34]. La mise en place de telles dispositions résulte de l’augmentation du nombre de recours en annulation des sentences arbitrales pour cause de manque d’impartialité et d’indépendance des arbitres.

Face à ce problème, les règlements institutionnels sont devant l’obligation d’améliorer leurs systèmes de déclaration d’indépendance des arbitres. En effet, éviter en aval les recours contre les sentences prononcées, ne peut se faire qu’à travers des dispositions qui garantissent ces deux principes, mais également qui sanctionnent leur violation. A titre d’exemple, un moyen de garantir plus d’impartialité consiste à publier par le règlement de la CCI la composition des tribunaux arbitraux qui se constituent sous son égide. Selon cette disposition, de nombreuses informations concernant les arbitres seront publiées, à titre d’exemple, le nombre de nominations dans des arbitrages CCI, le rôle au sein du tribunal arbitral, si la nomination a été effectuée par la CCI ou par les parties.

Nous venons de voir que les règlements institutionnels se dotent davantage de règles de bonne conduite concernant les arbitres. Cependant, le processus arbitral ne concerne pas uniquement le tribunal et ses composants. Les parties et leurs représentants ont un grand rôle à jouer, et ce dernier doit également être effectué convenablement, en respectant une certaine éthique. Les règles éthiques modernes doivent donc concerner également les parties[35].

A cet égard le règlement de la LCIA introduit en 2014 une annexe comportant les « General Guidelines for the Parties Legal Representatives ». Ainsi et à titre d’exemple, le paragraphe 2 de cette annexe prévoit que « l'avocat ne doit pas se livrer à des activités visant à entraver injustement l'arbitrage » ; alors que le paragraphe 5 énonce que « le conseil ne doit pas, en connaissance de cause, dissimuler ou aider à dissimuler tout document dont la production est ordonnée par le tribunal arbitral ». Edicter ce genre de règles éthiques permet un déroulement serein de l’instance arbitrale mais constitue également un pas vers un arbitrage qui favorise en plus de l’efficacité et la célérité, des valeurs humaines.

  1. Une transparence affirmée face à une confidentialité convoitée

L’arbitrage international fut longtemps convoité en raison de l’instauration du principe de confidentialité. C’est une des raisons qui conduit les parties à un litige à l’arbitrage. Présentant plusieurs inconvénients, il fut critiqué énormément, étant analysé comme un signe d’opacité créant ainsi des doutes quant au bon déroulement de l’arbitrage. L’opposé de la confidentialité, à savoir la transparence, gagne du terrain dans de nombreux domaines et l’arbitrage international n’échappe pas à ce phénomène.

A titre d’exemple, c’est ce que confirme l’attitude du législateur français. En effet l’article 1506 du code de procédure civile qui traite de l’arbitrage international ne renvoie pas à l’article 1464 alinéa 4 de ce même code[36]. On peut donc constater que le principe de confidentialité ne s’applique pas automatiquement à l’arbitrage international[37]. La réforme du droit français de l’arbitrage international opérée par le décret du 13 janvier 2011 n’interdit pas la confidentialité mais ne l’impose toutefois pas[38]. Tout au contraire, cette réforme fait de l’attractivité son but ultime en optant pour la transparence au détriment de la confidentialité.

Du côté de l’arbitrage institutionnel, nous pouvons noter que la plupart des règlements d’arbitrage sont silencieux quant à la notion de confidentialité. Certains la rejettent implicitement tandis que d’autres la rejettent explicitement ne la mentionnant pas dans leurs dispositions. Le règlement de la CCI constitue l’exemple-type du rejet implicite du principe de confidentialité. L’article 22.3 énonce à cet effet qu’à « la demande d’une partie, le tribunal arbitral peut rendre des ordonnances concernant la confidentialité de la procédure ou de toute autre question relative à l’arbitrage et prendre toute mesure pour protéger les secrets d’affaires et les informations confidentielles ». Les règlements SCC et AAA quant à eux ne mentionnent en aucun cas dans leurs dispositions le principe de confidentialité.

Cette contradiction entre les différents règlements marque l’incertitude qui règne quant à la nécessité de ce principe.

Le principe de transparence qui gagne du terrain au profit de l’autre est une conséquence certaine de l’évolution du droit d’accès à l’information. Ce droit est considéré comme une réalité incontestable en matière d’arbitrage et se matérialise de différentes manières. Sur un autre terrain, certains auteurs évoquent que la transparence permet d’augmenter l’efficacité de la procédure arbitrale. C’est ce que défend Gary BORN en indiquant que “publication of arbitral awards might have positive effects on the quality of decision-making, because tribunals would have greater incentives to make defensible, persuasive and careful decisions”.

Enfin d’autres auteurs considèrent que la transparence permet une certaine cohérence entre les sentences, allant jusqu’à l’établissement d’une jurisprudence arbitrale. Cette dernière est efficace d’une part pour les arbitres qui peuvent fonder leurs décisions sur des « jurisprudences » antérieures ; et d’autre part pour les parties qui pourront voir leur différend réglé plus rapidement.

A cet égard, les règlements institutionnels ont été le véritable moteur de la promotion de la transparence. C’est notamment la CCI qui fut la plus innovatrice. En effet, deux modifications mettent en avant ce principe de transparence : la publication du nom des arbitres sur le site internet de l’institution sauf opposition de la part des parties, et la publication de la sentence sans toutefois citer les noms des parties au litige. On peut considérer ce genre de dispositions comme une avancée majeure et un pas important vers la « standardisation » de la transparence par des sources privées du droit de l’arbitrage.

Enfin, la transparence dans les décisions prises par l’organe chargé de l’administration de l’arbitrage est de plus en plus demandée. La question qui se pose est de savoir les motifs qui incitent l’institution à prendre telle ou telle décision en fonction du règlement qu’elle diffuse. La jurisprudence française a toujours plaidé au nom de la confidentialité de telles décisions favorisant l’absence de motifs. C’est notamment le cas de l’affaire Fairplus[39] où le TGI de Paris constata le suivant : « Il est prévu dans le règlement que la Cour “statue sans recours sur la nomination, la récusation ou le remplacement d'un arbitre” et que les motifs de ces décisions ne sont pas communiqués ; cette disposition applicable dans un contexte d'arbitrage en matière de commerce international, se fonde sur la nature administrative ou d'organisation des décisions en cause, seules les décisions du tribunal arbitral tranchant le litige objet de l'arbitrage étant de nature juridictionnelle, ce qui entraîne la nécessité pour la juridiction arbitrale de motiver ses décisions et la possibilité pour les parties de les contester ».

Toutefois, là aussi certains règlements d’arbitrage ont pris l’initiative de se détacher de cette jurisprudence constante[40] afin de favoriser davantage la transparence. C’est le cas notamment du règlement de l’AFA[41] et de la CCI[42] prévoyant ainsi la possibilité de motivation.

Cependant, être prudent et mettre des limites à cette transparence est parfois nécessaire. Les règlements d’arbitrage en voulant être transparents afin d’attirer des parties douteuses quant à la confidentialité, doivent être prudents et ne pas créer un procès à l’intérieur du procès[43] notamment en donnant la possibilité aux parties de contester toute décision administrative.

Conclusion

Un déroulement efficace de la procédure est souvent conçu comme étant la seule volonté de parvenir à une sentence arbitrale le plus vite possible sans tenir compte de la qualité de cette dernière ainsi que de tout le processus. Le mieux serait de dire que le but de l’arbitrage est de parvenir à une sentence de qualité, bien motivée, tout faisant prévaloir la rapidité du processus et les moindres coûts.

Les problèmes de coûts dépendent nécessairement de la vitesse à laquelle l'arbitrage progresse. Toutefois, cette progression est retardée en pratique par l’alourdissement et la complexité de la procédure arbitrale qui résultent principalement d’une bureaucratisation accentuée des grandes institutions d’arbitrage[44]. Ces dernières édictent des règles de plus en plus techniques et donnent davantage de prérogatives à l’organe administratif, lui permettant de s’immiscer de façon accrue dans l’organisation de l’arbitrage. Ce phénomène de judiciarisation de l’arbitrage se traduit donc par le passage d’un processus informel à un autre formel, d’un processus souple à un autre rude. Ces dérives de l’arbitrage institutionnel méritent d’être bien étudiées afin de repenser le processus arbitral et proposer les solutions adéquates.

Les nouvelles idées, la vitesse de l'innovation, le rythme de la prolifération[45] marquent une époque de grands changements dans la pratique de l'arbitrage institutionnel. S’adapter à tous les enjeux cités précédemment a permis le développement de nouvelles avancées qui permettent ainsi de parvenir à une meilleure administration et efficacité de la justice.

 

[1] K. LAZARE, « Le rôle des règlements d'arbitrage dans le développement des procédures arbitrales applicables au règlement des litiges commerciaux à caractère international — A propos de quelques règlements et projets de règlements d'arbitrage récents ». In : Annuaire français de droit international, volume 21, 1975, p.294.

[2] K-H BOCKSTIEGEL, « Perspectives of future development in international arbitration », In : The leading arbitrator’s guide to international arbitration, 2004.

[3] White and Case 2010 International Arbitration Survey: Choices in International Arbitration.

[4] U. FRANKE, Arbitral Institutions: Trends and Developments, Asian Dispute Review, Hong Kong International Arbitration Centre (HKIAC) 2009, Volume 11, pp. 114 – 117.

[5] S. CHOISEZ, Contentieux en matière d'assurance : Quel règlement d'arbitrage choisir ? RGDA 2013, p. 501.

[6] A. RAU, E. SHERMAN, Tradition and Innovation in International Arbitration Procedure, Texas International Law Journal, 1995.

[7] A. REDFEN, M. HUNTER, M. SMITH, Droit et pratique de l’arbitrage commercial international, LGDJ, 2e Edition, p.71.

[8] Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, Paris, 1996, p.199.

[9] Ibidem.

[10] M. DAL, S. DAVIDSON, « Le progrès de l’arbitrage : le rôle respectif des centres d’arbitrage et du tribunal arbitral », In : Hommage à Guy KEUTGEN pour son action de promotion de l’arbitrage, Editions Bruylant, 2013.

[11] S. MENON, lors du discours liminaire du congrès de la SIAC 2018.

[12] Pour des commentaires sur les nouvelles règles de la LCIA, voir Arbitrating under the 2014 LCIA rules-a user's guide (Maxi Scherer et al. eds., 2015) ; et A commentary on the LCIA arbitration rules 2014 (Shai Wade et al. eds., 2015).

[13] S. WILSKE, The duty of arbitral institutions to preserve the integrity of arbitral proceedings, In ssrn.com [online].

[14] ICC, Note to Parties and Arbitral Tribunals on the Conduct of the Arbitration.

[15] Rapport CCI – Techniques pour maitriser le temps et les coûts dans l’arbitrage, publication CCI, n°843.

[16] Article 28 SCC.

[17] Article 24 CCI.

[18] En effet, la CCI est en première position (57% des répondants l’ayant choisie) selon une enquête menée par le cabinet d’avocats White and Case : White and Case 2010 International Arbitration Survey : Current choices and future adaptations.

[19] Article 1(2) de l'annexe VI du règlement CCI 2021 ; Désormais le seuil est de 3 millions d’euros.

[20] Article 13(6) CCI 2021 ; Aucun des arbitres ne peut avoir la même nationalité que l'une des parties.

[21] Article h) (i) de l'Annexe IV CCI 2021 ; Le tribunal arbitral doit encourager les parties à régler leur litige à l'amiable à tout moment de la procédure.

[22] J. DE ALFONSO, L'essor des institutions arbitrales, Gaz. Pal. 28 déc. 2013, n° 156g2.

[23] Articles 3(1), 4(4) (b), et 5(3) CCI 2021.

[24] Article 26(1) CCI 2021.

[25] S. BREKOULAKIS, The Evolution and Future of International Arbitration, International Arbitration Law Library, 2016, Volume 37, Kluwer Law International.

[26] S. PAPAZOGLOU, The Battle for Survival Among Arbitral Institutions, Wolters Kluwer, 2020.

[27] E. O'HARA O'CONNOR, Can Arbitral Institutions Be Expected to Promulgate Effective Rules of Ethics?, Wolters Kluwer, 2016.

[28] B. HANOTIAU, International Arbitration in a Global Economy: The Challenges of the Future, Journal of International Arbitration, Kluwer Law International; Kluwer Law International, 2011, pp. 89 – 103.

[29] M. ABDEL RAOUF, “Emergence of New Arbitral Centres in Asia and Africa: Competition, Cooperation and Contribution to the Rule of Law”, In : The Evolution and Future of International Arbitration, International Arbitration Law Library, Volume 37, Kluwer Law International; 2016, pp. 321 – 330.

[30] G. TRAVAINI, Arbitration Centres in Africa: Too Many Cooks?, Wolters Kluwer, 2019.

[31] P. QUAYLE, X. GAO, International Organizations and the Promotion of Effective Dispute Resolution: AIIB Yearbook of International Law 2019, Volume 2, Brill, 2019.

[32] C. A. ROGERS, The Ethics of International Arbitrators, Bocconi University Institute of Comparative Law, Legal Studies Research Paper Series, p.4.

[33] “The Code of Ethics for Arbitrators in Commercial Disputes”, http:// www.adr.org/si.asp?id=1620/

[34] Article 11.1 CCI.

[35] S. WILSKE, op.cit.

[36] 1464 al 4 CPC : « Sous réserve des obligations légales et à moins que les parties n'en disposent autrement, la procédure arbitrale est soumise au principe de confidentialité ».

[37] L. WEILLER, L'information en matière d'arbitrage, LPA 30 avril 2019, n° 138u6, p. 40.

[38] J.-B RACINE., Droit de l’arbitrage, 2016, PUF, n° 664, p. 433.

[39] TGI. Paris, 19 décembre 2012, Fairplus, en somm. dans Rev. arb., 2014.212.

[40] V. également : Paris, 1re Ch. suppl., 15 janvier 1985, Société Opinter, Rev. arb., 1986.87, note E. MEZGER ; Paris, 17 mai 1983, Société Techni Import Professionnel, Rev. arb., 1987.309.

[41] Article 8(2) du règlement AFA.

[42] V. les articles 11 à 13 de la « Note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l'arbitrage » selon le règlement d'arbitrage CCI du 22 février 2016.

[43] Ch. JARROSSON, Le statut juridique de l’arbitrage administré, Rev. arb., 2016, pp. 445 – 470.

[44] B. OPPETIT, La Théorie de l’arbitrage, PUF, 1998, p. 10-11.

[45] U. FRANKE, op.cit.

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